Manneken-Pis → détournement de symbole

Comment sensibiliser le (très) grand public aux créations des artistes en situation de handicap ? À partir du 28 septembre, trois sculptrices et dessinateur du Créahmbxl seront exposées dans un lieu encore inconnu. Chacun·e a détourné à sa manière une statuette du symbole de Bruxelles, Manneken-Pis.
He's so popular
C’est une collaboration qui débute par un coup de fil. Julien de Dobbeleer visibilise des artistes de la scène bruxelloise (street art, mode…) en leur proposant de détourner une statuette du Manneken-Pis. Grâce à la complicité des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, qui possèdent le moule du célèbre bronze, une dizaine de copies originales en plâtre sont produites pour lui chaque année. Le Créahmbxl serait-il intéressé à participer au projet ?
Les œuvres produites font l'objet d'une mise en valeur soignée. L’association saisit cette occasion de sensibiliser le grand public à l’art brut. Les deux animatrices des ateliers Arts plastique et Sculpture, Gaëlle Leroy et Brigitte Arbelot se concertent. Leur défi consiste à créer une œuvre qui soit cohérente avec l’univers plastique des artistes sélectionnés et reflète leur imaginaire. Pas question d’une customisation anecdotique.
Terre et porcelaine
« Nous avons réfléchi et opté pour la 3D, » dit Gaëlle Leroy. « Nous avons rejeté l’idée de peindre la statuette et choisi de l’augmenter par le relief. D’où le choix de deux sculptrices, Nouzzah Serroukh et Géraldine Vink. Le troisième artiste que nous avons retenu est le dessinateur Michaël Mvukani Mpiolani. C'est intéressant de confronter son univers robotique aux courbes du Manneken. »
Les sculptures de Nouzzah Serroukh figurent des animaux ou des couples ultra-humains étranges dont la destinée commune est d’être couverts de poils, hérissés ou soyeux. Il n’y avait pas de raison que le Manneken Pis échappe à la règle, même si, dans une dérive fantaisiste, la toison pourrait se transformer en queue de dragon. « Le travail de Nouzzha est très fin, » souligne Brigitte Arbelot responsable de l’atelier Sculpture. « Nous avons choisi pour elle la porcelaine, une terre qui a de la mémoire : tous les gestes de Nouzzah vont ressortir à la cuisson. Les « piquots » qu’elle façonne pour représenter une toison vont ressortir irréguliers, sans que nous sachions à l’avance quel sera le résultat final. »
La production de ces formes en 3D a demandé de nombreux tests. « La terre se rétracte quand on la cuit, » précise Brigitte Arbelot, « et nous avons besoin de deux cuissons avant l’émaillage. Il faut donc penser les formes en plus grand pour qu’elles correspondent à la taille de la statuette après cuisson. Géraldine a travaillé directement sur le modèle de manière très épaisse afin qu’on puisse éventuellement creuser la matière si cela se révélait nécessaire. »
Balles bondissantes
Un casse-tête qui a amené une relation plus profonde entre les deux artistes. « Géraldine a amené des propositions qui déviaient du projet initial, mais complétaient mes indications. C’était un système de balles bondissantes qui nous amenait ailleurs, en mieux. On a gardé son vocabulaire formel, la mâchoire, les dents, qui prennent soudain une autre signification. Au travers de ce travail, elle qui semblait toujours ailleurs, s’est mise à me répondre directement, une évolution dans notre relation qui m’a beaucoup émue. »
Manneken couronné
Gaëlle Leroy s’est également impliquée dans le processus. « Pour Michaël Mvukani Mpiolani, très sollicité, je suis intervenue dans la conception et la réalisation de l'œuvre : on peut dire que la sculpture est une cocréation. Un amas de robots issus de l’univers de Michaël figure cette foule qui va et vient autour de la statue réelle. Ici, ils grimpent et redescendent du Manneken Pis, transformé en géant. De près, on peut apprécier les détails comiques de leurs attitudes. De loin, cette foule se transforme en couronne de traits lumineux, comme on en voit dans les représentations de Madone de Pierre et Gilles ou sur certaines icônes. Cette double vision m’importait beaucoup, l’humour et le tourisme en grappe, d’un côté, et le côté iconique de cette image, presque révérée, de l’autre. »
Début de l'exposition
28/09
Lieu à confirmer