Art Brussels → Créahmbxl
Dans leur pratique, les artistes Guðný Rósa Ingimarsdóttir et Gauthier Hubert investissent des lieux atypiques. Pour Art Brussels 2024, quelques œuvres prolongent leur exposition « Squat » et entrent en dialogue avec un accrochage inédit de Richard Moszkowicz et Daniel Sterckx, visible trois week-end durant au Créahmbxl.
Squat + Dialogue
La pratique du couple d’artistes Guðný Rósa Ingimarsdóttir et Gauthier Hubert inclut la mise en scène de leurs dessins et objets (elle) et leurs portraits (lui)dans des lieux atypiques. L’édition 2024 d’Art Brussels ne fait pas exception.Cette année, leur projet se nomme Squat et se découvre au 142, chaussée de Forest.
Dans le même temps, ayant exploré les étages de tribunaux administratifs qui sur plombent le Créahmbxl lors de leurs repérages, ils visitent le vivier d’art brut du rez-de-chaussée et sont frappés par les œuvres. S’engage alors la possibilité d’un dialogue. Curatée par Simon-Pierre Toussaint, l’exposition Dialogue au Créahmbxl présente des œuvres de Richard Moszkowicz et Daniel Sterckx dans un accrochage inédit où les quatre univers esthétiques entrent en résonnance.
GuðnýRósa Ingimarsdóttir et Richard Moszkowicz
Richard Moszkowicz est un peintre de calendrier. Abstrait, il fait cependant apparaître l’écriture par-dessus les jaillissements et les coulures de teintes fabuleuses qui forment ses toiles. Ses mots, qui se déchiffrent difficilement ou s’évanouissent parfois dans leur blancheur, sont ceux, simple, du jour qui s’écoule. L’artiste inscrit dans ses œuvres la trace des activités qu’il amenées pendant ces heures où il ne peignait pas. S’y adjoignent parfois des chiffres, les comptes du quotidien.
Richard Moszkowicz est un peintre du temps qui s’écoule, mémoire qu’il fige au passé ou au présent : « je me suis promené dans le jardin / je joue du piano / j’ai fait un rêve ». Chacune de ses œuvres est un feuillet du calendrier de ses jours, magnifiquement ornementé.
Comme en résonnance avec ce souci de figer le passage d’un temps quotidien qui inexorablement s’écoule, l’article de Filip Luyckx, paru dans l’ouvrage somethings… consacré à l’œuvre de Guðný Rósa Ingimarsdóttir, s’intitule Flotter sur les vagues du temps. Pour « trouver ses supports », nous apprend le critique d’art, l’artiste « retourne vers les reliques de sa propre jeunesse. Dans la plupart des cas, les supports font référence à la vie ordinaire de tous les jours ».
Dans ces œuvres, ajoute-t-il, « tout semble vulnérable et fragile ». Cependant, (les dessins) contiennent des portes d’entrée pour l’imagination et mènent vers des moments suspendus, « gelés » dans le temps, venant du passé et du futur. »
Plus proche de nous, Guðný Rósa Ingimarsdóttir parsème également ses dessins d’écriture : « dl flour / teaspoon salt / cardamom » nous fait deviner une œuvre alors qu’une autre nous donne à penser « i am trapped inthe way you see me » ou à sourire discrètement « time passed ifollowed ».
Pour les deux artistes, un flux temporel qui se dépose, flot de pensées, d’émotions, de gestes, dont l’inscription les délivre peut-être, les met en mouvement en tous cas.
Gauthier Hubert et Daniel Sterckx
Gauthier Hubert fictionnalise le portrait. Dans un entretien avec François de Coninck,il précise : « Il y a donc d’abord une invention des personnages,même si elle est toujours liée à des réalités historiques – sociologiques,politiques, artistiques ou esthétiques. » Ce sont ces personnages imaginés de manière romanesque, avec biographies à la clef, qu’il peint, dans des coloris doux et une forme qui frôle parfois l’évanescence, tel le Fantôme de la peintre. Une fois terminée, l’œuvre ne l’est pas réellement car une clef de lecture nous est donnée dans son titre, qui décale notre perception. Ce léger interstice entre l’image et ce qui est représenté donne lieu à interprétation et parfois l’esprit, tourneboulé par les mots, patine à fixer la signification réelle de l’image. L’œuvre, écrit François de Coninck, éditeur d’art et commissaire d’exposition, « glace le sens ».
Daniel Sterckx peint des têtes. Ce que l’on peut prendre pour un le dessin d’un corps,sous les yeux, est en réalité une bouche, ouverte sur un cri. Parfois, le peintre y porte la main et la retire vivement. La bouche l’a mordu. Cette fiction, construite au fusain et à l’acrylique par de larges traits circulaires, a force de vie. La peinture mord. Elle déborde de sa matière inanimée. Elle agit sur nos rétines, démasque la fausse réalité de sa représentation, s’impose à nous par sa conviction.
Ainsi, pour l’un et l’autre peintre, « chaque tableau ouvre une nouvelle arène », comme l’écrit encore François de Coninck. Cela vaut pour nous également, qui nous engageons à être bousculés par le voisinage de ces deux portraitistes, au travail mental ou charnel, mais toujours en questionnement du pouvoir de la représentation.
Exposition visible :
12/04 > 28/04
Ven. > Dim.
14:00 > 18:00