Une résidence au Bénin 1/3

1.1.2023
16.1.2023
Une résidence au Bénin 1/3

Du 1er au 16 janvier, le Créahmbxl était en résidence à Porto-Novo, Bénin, auprès de l’association Vie et Solidarité (V&S). Dans la chaleur, sous la tente ou les pergolas, les artistes ont dessiné, peint, sculpté et dansé. En relation avec la population locale, la culture vaudou et leurs pairs, ils et elles se sont ouvert.es sans se perdre.

Bonne arrivée
Les klaxons tempêtent et la chaleur fait ruisseler les peaux : atterrir à Porto-Novo en plein mois de janvier est une expérience sensorielle intense. Les bagages posés, les artistes et l’équipe du Créahmbxl rejoignent le centre Vie et Solidarité qui sera leur lieu de travail durant toute la durée de la résidence. L’accueil est royal. D’emblée, des œuvres de Nour Ben Slimane, Julien Detiège, Kirill Patou, Michaël Mvukani M’Piolani et Inès Reddah sont accrochées en parallèle avec des dessins et peintures des artistes béninois en situation de handicap ou de grande détresse psychologique accueillis par l’association V&S. C’est une première mixité et un activateur d’affinités : les dessins de David Adebayo, qui travaille sur le personnage de la Sirène, central dans la mythologie africaine, qu’il détourne, les jardins abstraits de Cécile Vigan, vus de l’espace et composés de taches colorées et le travail de Benjamin Savoeda, centré sur la famille, accrochent par leur qualité.

L’accrochage réalisé, surprise, un tailleur surgit pour prendre des mesures : cadeau d’arrivée du centre, chacun et chacune participera au vernissage final avec un ensemble ou une robe en wax. Curiosité activée de la part de l’équipe : à quoi ressemblerons-nous ? Réponse dans dix jours. Délicieuse attente…

De l’ombre, du mouvement
Quand le thermomètre affiche 35° à l’ombre, les danseurs cherchent à se protéger : une tente (quatre piquets, un morceau d’étoffe) est bricolée pour leur permettre d’improviser hors de la morsure du soleil. David et Raoul, les hôtes béninois, entrent dans la danse de Xavier, le portent. Défi pour la chorégraphe, qui bénéficie durant tout le séjour de la musique live de Mon type : au Bénin, chaque rythme entraîne un mouvement qui lui correspond et ce mouvement est signifiant pour les spectateurs. En d’autres termes, danser, au Bénin, c’est raconter une histoire. Joëlle Shabanov entre en phase d’observation : comment utiliser ces enchaînements dans sa chorégraphie finale ? Pendant que les danseurs tracent des figures, la chorégraphe prend mentalement des notes.

Sous les arbres, hors les murs
Michaël Mvukani M’Piolani n’apprécie ni le bruit ni la trop grande proximité. Durant son séjour, il posera sa chaise et sa table dans le quartier, hors des murs du centre. Son dessin de perspective, qui se nourrit en Europe des lignes tracées dans la ville par les routes, voies de chemin de fer, viaducs et autres aménagements urbains, se fait dessin d’observation. Entouré par un menuisier, un atelier qui travaille le fer et d’autres échoppes, Michaël reproduit à main levée la rue de terre, ses trottoirs et ses palmiers, les maisons avec leurs claustras de béton, le bouiboui de plein air, ses jarres et sa banquette, les bananiers qui jaillissent des cours et les vagues formées par les toits de tôle. Si la rue est peu passante, les passants sont curieux et viennent rendre visite à ce dessinateur inattendu. Ils s’émerveillent du trait précis, de la reproduction de leur environnement et se posent naturellement la question de sa présence. C’est ainsi que le centre, ignoré de beaucoup et vu par d’autres comme un attroupement de personnes malades, voire dont l’âme, après un séjour fugace, s’en est allée et les a laissées mutilées, se fait connaître comme le lieu d’une activité artistique digne d’admiration.  

Changer de support
Si le graffeur Apoté Zekpa aka Seencelor Labombe n’est jamais loin, lui qui a cofondé à Cotonou avec ses frères d’art, Mr Stoneet Dr Mario, le festival Effet Graff, l’équipe du Créahmbxl décide de tester d’autres supports que les murs de Porto-Novo ou le papier.

Quelques seuils plus loin, le menuisier fabrique portes, lits et cercueils (ce n’est pas la destination des objets, mais la matière utilisée qui fait l’artisan). Si les deux derniers ne fournissent pas des surfaces idéales, les portes sont choisies pour composer un quadriptyque. Deux artistes béninois : Benjamin et Onora et deux artistes belges : Inès Reddah et Nour Ben Slimane, attaquent les quatre faces sous le regard attentif à l’esthétique de Gaëlle Leroy. Objectif : proposer une œuvre achevée lors du vernissage de fin de résidence.

Les dessinateurs attablés sous la pergola du centre découvrent de nouvelles images grâce à leurs collègues béninois : crocodile supportant un arbre, sirène crucifiée, jardin mental vu du ciel. Rémi Tamburini, intéressé par la trame de polypropylène tissé des sacs de riz indien ou des sacs de ciment de Portland, décide d’en faire provision au marché. Recouverts de peintures vives, laissant transparaître leur vocation commerciale, ces sacs obligent les plasticiens et plasticiennes à jouer avec la matière. Ils tireront de ce nouveau support des œuvres qui leur ressemblent et témoignent cependant de jeux de couleurs ou de choix de mots inédits, qui reflètent leur expérience de ce nouvel environnement. 

Conseils nocturnes
On ne rencontre pas les tambours vaudous, on ne glisse pas en pirogue sur le rivière noire, on ne se fait pas curiosité humaine suivie par son cortège d’enfants sans avoir besoin d’en parler un peu. Tous les soirs se tiennent des conseils nocturnes qui permettent de dire. Ce qu’on aime. Ce qu’on n’aime pas. Ce qui est merveilleux. Ce qui gratte. Ce qui déborde : trop de sons, trop de soleil, trop de monde. L’équipe se fait protectrice : les bras s’ouvrent, les genoux se prêtent, des murmures se chuchotent à l’oreille, des embrassades précèdent le coucher. Les unes ou les autres se font figure pa/maternelle, fraternelle, gémellaire. Il y a le soin des corps, des espritset des cœurs avant de se poser dans la nuit, puis de vivre une nouvellejournée.

Fête de feu et de larmes
Si vite arrivée, la fête de bon retour. La fin de cette résidence, riche en déclics : oui, Inès, mutique en atelier à Bruxelles, a exprimé à voix haute à Porto-Novo d’où lui venait son dessin. Michaël, qui ne donne jamais son regard, a fixé l’objectif en face, affichant une présence inouïe. Nour, émotif et imperceptiblement distant, a mélangé ses mots avec ceux d’Onora.

Et maintenant, tout le monde est prêt à partir pour le vernissage, dans son costume, robe, neufs, taillés dans le même wax. Car ici, le wax se vend par coupon de six mètres. Les familles sont donc vêtues du même motif. C’est l’idée qui a guidé le tailleur, réapparu avec les vêtements terminés. Le Créahmbxl, vêtu de son wax de famille étendue et inclusive.

Fête de feu et danses mixtes : merci à Mon type, toujours prêt à lancer la cadence. Merci à tout le monde, en fait : à l’association Vie et Solidarité, à son directeur Anicet Vignon, son fondateur-photographe Louis Oke-Agbo, à Carole Oudet, son ambassadrice, à Merveille la secrétaire bien nommée, à Cinq Cinq, l’animateur des ateliers d’arts plastiques, Seencelor et à tous ceux qui ont si bien reçu là-bas. Et à Martine Draps, la Présidente d’ici, qui a accompagné l’équipe dans toutes ses expériences, et a permis que cela existe.

Lire ce qui suit : Une résidence au Bénin 2/3 et Une résidence au Bénin 3/3

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